Vers midi je souhaite acheter une baguette de pain, il y a la queue dans la boutique qui vend du pain à la demande et des carrys.
La personne qui me précède demande un morceau de pain pour 20 centimes. Le chinois lui découpe un tronçon, récupère la pièce de monnaie et s’apprête à servir le suivant. Le client laisse le morceau de pain sur la vitrine pendant que le boutiquier agite nerveusement une cuillère dans un saladier de rougail saucisses. Le client demande gentiment : « fende le pain siouplé », le boutiquier agacé donne un coup de couteau pour fende le pain et lui fait comprendre de circuler. Il ne bouge pas et demande mielleusement : « mette un tipeu carry dedans » le chinois dont l’agacement monte d’un cran : « okilé l’argent ? akoz depuis ce matin ou boire ? » le pauvre bougre hausse les épaules et a les yeux braqués sur la cuillère dans le saladier de carry. Il lui vient une idée : « essuie un coup ton cuillère dan mon pain… », le chinois imperturbable, « allé à ou » le pauvre bougre se tourne vers moi : « la mi sava mange un bout de pain sec », le chinois : « allé mouille out pain sou la fontaine dan chemin ». Ce type, dont le calme et le sens de l’humour m’ont plu, je décide sur le champ et m’adresse au chinois : « mette 1 franc carry dan son pain mi paye », soulagement général, j’ai eu droit au remerciement de circonstance : Merci bien tonton, nu artrouv.
PS. Pour l’anecdote, ma mère qui habitait le quartier, avait l’habitude de solliciter ce type quand sa bouteille de gaz était vide. Il faisait le transport entre la boutique et la maison, faisait le branchement moyennant un ti monnaie. Ce temps-là est révolu.
Bilimbi
Mr Mamode VAVODA
Merci à Bilimbi pour cette image fidèle du passé qui aurait pu inspirer les grands noms de la chanson réunionnaise . Nous devons à Fred Espel l’écriture et l’interprétation de "oté gran moun chinois rouv la boutik... et dans une autre chanson aussi connue ‘tout zarab la tête lé plate i connai bien calkiler....."